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Dialegein

La formation philosophique ouvre l'esprit à la considération de la diversité des objets. Ce blog d'un professeur de philosophie propose des articles thématiques variés.

L'offensive Bruckner

Publié le 15 Juin 2007 par Bruno Guitton in Philosophie

L’offensive Bruckner.

 

 

En ces périodes troubles de destinée électorale, il ne serait pas inutile de revenir sur un ouvrage dont on n’a pas suffisamment médité les qualités : La Tyrannie de la pénitence, sous titré, Essai sur le masochisme occidental, de Pascal Bruckner. On y réfléchit la tendance moderniste de l’Occident démocratique à s’auto critiquer avec virulence et à en appeler à une repentance systématique ainsi qu’à un mea culpa qui confine à la honte de soi.

Sachons-le, il existe en Occident une idéologie anti-occidentale (1). Ajoutons d’ailleurs que celle-ci est bien entendu permise par le caractère démocratique des régimes occidentaux. Ce qui n’est pas pure remarque anecdotique car on chercherait bien en vain, dans certains pays, cette simple possibilité de la critique de soi par soi…

Mais au fond, que se reproche l’Occident?

 

D’abord, l’Occident est fait en partie d’ex puissances coloniales qui n’ont pas reconnu et intégré leurs fautes passées, sans doute parce qu’elles n’ont pas voulu assumer la contradiction entre leur idéologie des Droits de l’Homme et leurs comportements avec les colonisés.  La légitimité de la décolonisation réside en partie dans un message occidental tout à fait compris par les peuples soumis : celui du droit à l’autodétermination. Face aux exactions des puissances coloniales et à cette aspiration à la liberté des hommes dans les fers, sont exigés le grand déballage et la grande contrition. On ne demande pas seulement la vérité historique, absolument nécessaire, tout le monde en conviendra, mais aussi la repentance, l’exécration ou la culpabilité universelle. La difficile situation, en France par exemple, de certaines populations maghrébines ou noires, serait due exclusivement à cette mentalité qui ne s’est pas encore amendée : celle du colon français sûr de lui-même et arrogant. (2)

Bruckner parle ainsi d’avoir placé l’ennemi en son cœur. Mais si les colonisés ont effectivement bien saisi le message émancipateur de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen en reprenant les idées que l’oppresseur piétinait ouvertement, il faut y voir l’incroyable puissance dialectique de l’Occident, qui doit en réalité beaucoup à la philosophie, et pas seulement à l’ignominie des oppressions. L’Occident érige l’esclavage, puis l’abolit, il installe l’absolutisme, puis le met en déroute avec les révolutions démocratiques, il secrète les monstres fasciste et nazi, puis les détruit, etc. Le combat des tendances est combat philosophique des idées.  Qu’à cela ne tienne, ce que retiennent les contempteurs de l’Occident se réduit aux fautes, excès, crimes, et laisse le meilleur de l’apport universel de cette civilisation: les antidotes aux poisons les plus nocifs. Ils rêvent de façon utopique à un Occident, à une Europe, d’emblée humaniste, indifférente à sa soif de richesse, se méfiant de l’exercice du pouvoir, n’ayant aucun intérêt géopolitique, etc. Bref à un Occident sans états ou à une politique sans Machiavel.… Il est vrai que rien n’interdit de rêver.

 

Mais dans ces virulentes attaques, ne peut-on repérer quelques cibles privilégiées ?

Dans cette configuration de la honte, les ennemis de l’occident ont, depuis 1945 et 1948, leurs coupables préférés : Etats- Unis et Israël.  L’intelligentsia française s’est d’ailleurs distinguée en condamnant du bout des lèvres l’attentat du 11 septembre 2001 en laissant entendre qu’après tout, il y aurait dans cet acte une valeur de punition, l’implacable retour des choses en quelque sorte (3). Les Etats-Unis concentrent ainsi sur leur nom la haine des opprimés (4). Ce pays est l’hydre immonde qui véhicule dans le monde entier les valeurs honteuses du libéralisme économiques et celles évidemment fictives de la démocratie politique tant on sait, dans les milieux intellectuels progressistes naturellement bien informés, que seul l’argent gouverne cet état de 300 millions d’habitants. Bien vaine est alors notre stupéfaction devant le spectacle des tours en flammes et des gens qui y brûlent puisque l’attentat est le châtiment des actions impérialistes des USA où se mêlent tortures, violences, et irrespect des traditions et religions locales. L’Irak en porte tragiquement témoignage.

Quant à Israël, fidèle allié du satan yankee, on doit, si on est ami de l’humanité, dénoncer son totalitarisme et sa politique génocidaire au moyen-orient. Le juif, de victime expiatoire de l’histoire, est devenu dans l’état sioniste le nouveau bourreau des peuples. (5) Qui n’est pas aussi tranché dans ses avis est à mettre au banc des accusés : ne serait-ce pas un nouveau nazi que nous avons mis à jour ? Triste ironie de l’histoire que de lire le vocabulaire de la Shoah s’appliquer à la politique d’Israél dans un renversement malsain de l’histoire.

 

Et la France dans tout cela me direz-vous, (cherchant sans doute à confirmer une fois de plus notre belle exception) ?

Heureusement, la France est là. Bruckner décrit son incroyable aspiration à la paix et à la tranquillité ; ce qui la rend bien évidemment des plus critiques à l’égard des américains. Elle dénonce et condamne. Mais elle intervient peu. Elle reste garante des valeurs tout en limitant le recours à ses soldats dans le cadre de la défense concrète des Droits de l’Homme ou de la démocratie. C’est qu’elle prend garde de ne pas avoir de préjugé ethnocentriste pour ne pas souffrir des attaques qu’elle ne manquerait pas d’essuyer en cas de faute grave… Bruckner la voit tout occupée  à la préservation de son patrimoine historique, de ses monuments, de ses commémorations où le slogan  « Plus jamais cela » signifie :  « Ne plus jamais souffrir ». On ne se souvient que pour neutraliser, adoucir, refuser l’offensive, dénoncer les barbaries et les violences, mais seulement dénoncer. On veut la paix dans le sens où l’on veut que l’on nous fiche la paix. Et la vieille Europe dans son ensemble ne fait guère mieux.(6)

C’est que la France est traversée par de sourdes inquiétudes en ce qui concerne son unité nationale. De plus en plus, les minorités affichent leur identité et réclament que le pays se soumette au devoir de mémoire. Black, beurs, gays, juifs, etc. tous désirent une reconnaissance spéciale au cœur de la République (7). Victimes de notre histoire , de ses lâchetés ou de ses injustices, ils usent de tout leur pouvoir critique à l’égard de l’Etat. Bruckner dénonce ainsi le risque de sédition d’une France emportée par sa culpabilité, faite d’un patchwork de communautés que rien ne rattache, que rien n’unifie. De plus, cette insistance sur l’identité spécifique comporte les risques d’un fort rejet : la France est, rappelons-le, un contrat entre des hommes et des femmes qui veulent faire société politique indépendamment de leur origine ou de leur couleur de peau. A s’attacher à l’identité, on se place hors tradition politique ; on ouvre la boîte de Pandore du nationalisme. Il n’y a pas d’Etat sans communauté nationale partageant les mêmes valeurs et la fierté de ses réussites. Valeurs et réussites valent comme dynamisme dans tout projet commun. Il en va d’un futur partagé.

Mais la France souffre d’un autre mal, celui du complot ou de la conspiration. Au cœur de la mondialisation, elle se pense et se vit assiégée. Les attaques du textile chinois, les flux du grand capital, les technocrates de Bruxelles, etc. de toute évidence, tout joue contre elle. Pascal Bruckner a bien vu ici le double mouvement, qui toujours, a animé notre pays : un universalisme cosmopolite, exportateur des valeurs de la démocratie, en somme un pays ouvert sur le monde, et le repli sur soi dans un pré carré douillet, celui de la réussite économique et du confort français. Notre vitalité s’émousse. Les peurs alimentent nos plaintes. Ce monde inquiétant de la compétition et de la concurrence nous afflige et nous angoisse.  Le plus grand des maux redevient le capitalisme, dont on oublie bien légèrement qu’il est ce dans quoi, et ce grâce à quoi nous vivons dans un certain bien-être. Notre état perdant de sa force, les nouveaux critiques redécouvrent les défauts congénitaux du capitalisme dans sa version néo-libérale. Et les demandes de sécurité abondent (8).

 

Alors que faire ? A la fin de l’ouvrage, Bruckner envisage quelques remèdes. Deux sont, à ses yeux, sans doute très importants : d’abord faire en sorte que la relation entre les USA et la France redevienne complémentaire. Les deux pays en ont les moyens. Aux aveuglements de la puissance américaine, il faudrait la prudence de la vision géopolitique française. Et à notre léthargie, il faudrait la confiance en soi et la fierté identitaire de nos voisins d’outre atlantique. Ensuite, redonner à la France le sens d’elle-même, le sentiment d’être soi, et la force d’une nation qui puise en elle les ressources de son énergie.

 

Alors, comment se situer face à cette offensive « Bruckner » ? Nous n’avions guère l’habitude de la fréquentation de cet auteur, mais avouons que la lecture de cet essai est vivifiante, surtout de la part d’un philosophe qui, il y en a peu, ose. Effectivement, on ne peut que donner crédit à une analyse qui décrit, en Occident, en Europe et surtout en France, une fâcheuse tendance à l’auto flagellation, participant ainsi aux blocages de notre présent. Mais si le tableau du masochisme occidental est saisissant, l’auteur ne s’est pas assez risqué à une interrogation sur ce qui unit tous les éléments de ce besoin de contrition. Nous pensons qu’il s’agit de l’instrumentalisation du pouvoir critique. Il n’est plus aux mains d’une raison émancipatrice visant à préciser des valeurs, si besoin est par transgression, (9) mais le voilà qui sert des stratégies qui n’ont que la déstabilisation et la revanche comme purs et simples objectifs. La critique joue alors son rôle pervers car elle ajoute le chaos au chaos, la confusion à la confusion.

D’autre part, Bruckner a parfaitement repéré, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, l’importance de la relation au passé pour connaître l’état psychologique d’une nation. Sa réflexion n’est pas sans évoquer implicitement le travail de Nietzsche. Il y a, pour le philosophe allemand, un besoin d’histoire éprouvé par les sociétés traduisant les dispositions dans lesquelles elles se trouvent. Nietzsche remarquait déjà dans les Considérations inactuelles l’histoire appartient au vivant pour trois raisons : parce qu’il est actif et ambitieux- parce qu’il a le goût de conserver et de vénérer- parce qu’il souffre et a besoin de délivrance. A cette triple relation correspond la triple forme de l’histoire, dans la mesure où il est permis de les distinguer : histoire monumentale, histoire traditionaliste, histoire critique. Le sens et la logique que l’homme détermine dans son passé sont liés à ses besoins psychologiques, son état de détresse ou d’énergie, sa recherche de valeur. D’après ces critères mêmes, quelle est donc notre relation à notre histoire ? Elle est évidemment celle de la critique, traduit un besoin morbide d’avilissement et un état réactif, faible de notre volonté de puissance. Le retour du nihilisme, véhiculé par ce sombre rapport à l’histoire, peut s’avérer très dangereux puisqu’il en va de notre perpétration du modèle républicain.

Menacée par les infiltrations des islamistes radicaux que la honte coloniale arrange bien, par les communautés qui se veulent des îlots d’identité à eux seuls réduisant l’histoire à celle de leur oppression, la France éprouve de grandes difficultés à s’affirmer. C’est le constat préoccupant de Bruckner. Menacée par la recherche à tout prix d’une paix sacrée, par la systématicité des critiques du capitalisme et du libéralisme pourtant facteurs en leur temps de notre accroissement phénoménal de bien être, la France devra  redonner au sentiment de son exception historique toute son authenticité pour affronter l’avenir avec sûreté. C’est l’invitation à son épanouissement que Bruckner appelle de ses vœux ; et nous aussi…

 

BRUNO GUITTON

 

 

 

NOTES :

1-Elle n’est d’ailleurs pas seulement contemporaine comme en témoigne, en 1925,  la conférence d’Aragon prononcée à Madrid devant un parterre d’étudiants. « Nous aurons raison de tout. Et d’abord nous ruinerons cette civilisation qui vous est chère, où vous êtes moulés comme des fossiles dans le schiste.

Monde occidental, tu es condamné à mort. Nous sommes les défaitistes de l’Europe… Que l’Orient, votre terreur, enfin à votre voix réponde. Nous réveillerons partout les germes de la confusion et du malaise. Etc… » Cité par Bruckner dans la Tyrannie de la pénitence, p23, Grasset, 2006.

2-Nos parents et grand-parents ont été mis en esclavage, affirme d’autre part l’Appel des Indigènes lancé par plusieurs collectifs durant l’hiver 2005 et soutenu par diverses personnalités de gauche proche des milieux islamistes : « Nous filles et fils d’immigrés, nous sommes engagés dans la lutte contre l’oppression et la discrimination produite par la République postcoloniale. Il faut en finir avec des institutions qui ramènent les populations issues de la colonisation à un statut de sous-humanité »

Rapporté par Bruckner dans la Tyrannie de la pénitence, p152, Grasset, 2006.

3-Quand la situation est ainsi monopolisée par la puissance mondiale, quand on a affaire à cette formidable condensation de toutes les fonctions par la machinerie technocratique et la pensée unique, quelle autre voie y a-t-il qu’un transfert terroriste de situation ? C’est le système lui-même qui a crée les conditions objectives de cette rétorsion brutale. En ramassant pour lui toutes les cartes, il force l’autre à changer les règles du jeu, terreur contre terreur, il n’y a plus d’idéologie derrière tout cela. »

Jean Baudrillard, le Monde, 2 novembre 2001.Cité par Bruckner dans la Tyrannie de la pénitence,  p28-29, Grasset, 2006

4- La méchante Amérique condense en un seul lieu, un seul peuple, un seul système toute l’abjection dont l’Europe fut jadis capable. Parasite, meurtrière, arrogante, elle semble revêtue de tous les signes auxquels on reconnaît la culpabilité de l’Occident : aussi riche qu’inégalitaire, dominatrice, polluante, fondée sur un double crime, le génocide des Indiens et la traite des Noirs, ne prospérant que par la menace et les canons, libérale en paroles mais protectionniste en fait, indifférente aux institutions internationales qu’elle soutient du bout des lèvres, tout entière vouée au culte du billet vert, la seule religion de ce pays matérialiste.ibid,p99.

5- Témoin encore ces extraits d’une tribune intitulée « Israël, le cancer » et signée par Edgar Morin, Sami Naïr et Danièle Sallenave : Les juifs qui furent humiliés, méprisés, persécutés, humilient, méprisent, persécutent les Palestiniens. Les Juifs qui furent victimes d’un ordre impitoyable impose leur ordre impitoyable aux Palestiniens. Les Juifs victimes de l’inhumanité, montrent une terrible inhumanité… le peuple élu agit comme une race supérieure »  Cité par Bruckner dans la Tyrannie de la pénitence, p88, Grasset, 2006.

6- Or le vrai crime de la vieille Europe, ce n’est pas ce qu’elle a fait jadis, c’est ce qu’elle ne fait pas aujourd’hui, son inaction au cours des années 90 dans les Balkans, son attentisme scandaleux au Rwanda, son silence en Tchétchénie, son insensibilité vis-à-vis du Darfour,etc.Ibid,p117.

7- Or, à moins d’un récit fédérateur national ou supranational qui rassemble les diverses composantes d’un pays et lui imprime un élan commun, celui-ci se réduit à une agglomération de tribus black, beure, gitane, antillaise, corse, basque, homosexuelle, etc., unies par leurs dissensions réciproques et en appelant à l’Etat comme à une simple instance de médiation. L’identité cesse alors de coïncider avec la citoyenneté, elle est même ce qui la rend impossible. Ibid, p167

8- Les manifestations contre la réforme des retraites en 2003 ou le Contrat Première Embauche en 2006 l’ont prouvé, ce sont les jeunes, les étudiants, qui sont désormais à l’avant-garde du parti de la peur : toute une génération voudrait commencer dans l’existence avec un emploi et une retraite garantis. Les Français ont peur du monde, peur des autres, et encore plus peur de leur peur. Et ils accroissent leur peur en voulant chasser le risque, « le hasard d’encourir un mal avec l’espérance, si nous en réchappons, d’en obtenir un bien » Condillac. Bruckner, la Tyrannie de la pénitence, p210, Grasset, 2006.

9- Voir la thèse que nous défendons dans le dialogue avec Sylvain Reboul sur le site http://dialegein.over-blog.com/.

 

 

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L
Bonjour, c'est en général quand les désaccords naissent que les discours perdent leur éclat.Je lisais avec délectation votre article sur la politique de Sloterdijk (je vous conseille la mobilisation infinie, qui, est bien mieux et annonce les développements de ce dernier ouvrage), mon philosophe contemporain favori, quand j'ai vu cet article sur Bruckner.Je m'attendais par conséquent à une charge intellectuelle de haute volée, qui aurait remis le fat à sa place. Que nenni. Je suis donc plutôt déçu de constater l'absence de regard critique face à l'anti-intellectuel Bruckner, pour son livre trop promu et trop peu lu, sur le thème POLITIQUE très présent de la pénitence, (mais dans les médias, il est surtout question de "repentance") qui sert de socle à la droite de la droite.Déception donc, car nulle mise en garde sur son islamophobie radicale, nulle mise en garde sur son ultra-sionisme et nulle mise en garde sur son admiration hébétée des USA et son astrologie de comptoir quant au déclin auquel l'Europe est appelée. Ce n'est pas le plus grave, passe encore.Mais que soit affirmé, sans preuve à l'appui, que nous sommes pétris de cet esprit de pénitence, que nous nous culpabilisons sans cesse, au profit de méchants sans scrupules, là, ça passe moins. Ce bouquin a quand même été écrit dans une période où la facilité de sa distribution ne se posait pas, où il n'y a nul besoin d'être courageux pour oser dire que les musulmans sont des islamistes et les communistes des mangeurs d'enfants, tant le climat politique est situé radicalement à droite. Ma critique est d'autant plus simple à faire, que nous avons vu et entendu le discours néocolonial de Sarkozy à Dakar mettant en avant l'absence de respnsabilité que nous avosn face à un grand nombre de problèmes... où nous sommes les principaux fautifs (ventes d'armes, corruption, installation de dictateurs, etc.). entendu et vu sa politique de classes forte avec les faibles et faible avec les forts, qui tente avec succès, je dois el reconnaître, de creuser les écarts entre les pauvres et les riches, et sa tentative de précariser un peu plus les classes moyennes. Mais nous avons vu l'absence d'actions en faveur de l'intégration des sous-citoyens des "banlieues", ou des populations issues de "l'immigration", alors que l'on sait qu'une majorité d'entreprises discrimine à l'embauche au faciès, alors que l'école n'a jamais autant reproduit les inégalités sociales, alors que nombre de lois du précédent gouvernement étaient à caractère racial (ou plutôt racistes). De même on sait très bien dans quelles cycles de relégation sociales sont placés les gens des quartiers, et nombre de sociologues tout ce qu'il y a de plus sérieux ont pointé du doigt le racisme respectable de notre Etat. Alors non, bien entendu, il ne s'agit pas de repentance ni de pénitence. Nulle culpabilité n'abrite les Français, et nulle part nous ne voyons de longs cortèges pour nous faire excuser. Ce qui est distordu et appelé pénitence, c'est la demande de justice sociale de la frange la plus marginalisée de la population. Mais c'est sûr que l'expression "l'obsession de justice sociale" pour parler des monomanies de la gauche était plus difficile à critiquer que notre volonté de soumission face à l'extrêmisme...Et vouer un culte au CPE qui représente pourtant une immondice sociale pour parler des peurs, c'est oublier de parler de qui les suscite, avec des projets antirépublicains et antisociaux (auxquels adhère sans réserve M. Bruckner, soit dit en passant!)Voiilà quelques remarques qui cherchent juste à montrer qu'avant d'être un texte "moral", c'est surtout un texte politique visant à nier la portée sociale réelle des erreurs du passé, bien à vous et cordialement, Lomig
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B
Cher LomigJ'ai bien précisé dans l'article n'être pas un habitué de Bruckner dont je ne l'ai lu que cet ouvrage.Pour le reste, je n'ai pas votre lecture alors que je vous rassure, je ne suis absolument pas à la droite de la droite. Je crois que Bruckner réagit contre un retour du pendule de l'histoire et c'est en cela que j'ai chroniqué positivement son ouvrage. Oui, nous sommes responsables d'une partie du malheur du monde mais, et c'est là le socle du livre, pas seulement. L'Occident sait reconnaître ses fautes pour les dépasser. Cependant, si de la reconnaissance on doit passer à la névrose de la culpabilité généralisée et à l'auto-dénonciation complaisante, je ne suis plus les progressistes revanchards sur les chemins de l'affaiblissement de la république.Enfin, pour répondre à vos critiques sur le CPE, que je ne défends nullement en soi d'ailleurs, je dirais paraphrasant un petit chef d'entreprise très entreprenant: on ne doit prétendre qu'à la valeur ajoutée que l'on est capable de créer...Un grand merci pour votre réactionBRUNO GUITTON